Ghuseppe Machiaveli [Titus Maximus]

Invité

Titre: Une page d'histoire se tourne...

Citation :: 11/12 à 20:22:07
Un homme était sorti d'une chambre que tous les Napolitani ou presque avaient oubliée... Et où seule une poignée de privilégiés étaient autorisés à entrer. Le Don, pour ceux qui l'avaient connu, n'était plus le même homme. C'était comme si toute la personnalité de l'homme s'était recouverte d'une couche de gris. Des cheveux au costume qui avait perdu sa superbe, n'étant plus qu'un bout de tissu élimé sur des épaules basses... Ses yeux aussi arboraient un voile de fatigue qui en disant malheureusement trop long.

Cet homme, cependant, fit taire l'assemblée des Napolitani, en pleine effervescence de l'évacuation. Il releva la tête, embrassa ce groupe d'hommes et de femmes courageux, désespérés, ou les deux, et dit, reprenant pour la première fois depuis des mois sa voix ferme, qui imposait le respect :

Napolitani!

Ce soir, nous tournons une page de l'histoire du désert. Ce soir, nous quittons ce lieu magique, où un petit groupe d'hommes et de femmes ont essayé de bâtir un monde meilleur sur les ruines de l'ancien! New Napoli voulait représenter ce rêve : construire de nouveau la vie sur le terreau de la survie dans ce désert sans avenir!

Mais nous avons échoué... Moi le premier de tous. La folie d'autres hommes, folie meurtrière et folie idéologique, a fini par avoir raison du dernier bastion d'honneur, de droiture et, au demeurant, de liberté de ce désert. Ce soir, les bolcheviques seront ici, à ma place, et joueront avec les ruines de cette fière cité, notre racine commune, comme un enfant trop gâté avec un jouet usé.

New Napoli, c'est une chose, et je vous l'ai déjà dit : la vie, par-délà la survie dans ce désert pourri. Je vous en conjure, il n'y a plus d'espoir de tenir ce bastion. Il nous faut donc le soustraire aux mains avides de biens et de mort des bolcheviques, tout en sauvant le plus possible des vies pour lesquelles nous nous sommes battus pendant des années!

N'ayons pas honte d'avoir cédé face à la folie, la barbarie et l'ignominie des fous bolcheviques! Cette simple liberté que nous prenons, d'appeler ces chiens par leur nom, les autres cités du désert ne l'ont déjà plus. Je préfère survivre en homme que vivre en chien. Suivez-moi, sauvez-vous, et retrouvons-nous ailleurs, loin de la folie bolchevique.

Alors oui, je vous le dis : je quitterai cette cité ce soir, avant que Lova n'y mette le feu. Parce que, aussi vrai la vie vaut plus que la survie, la survie vaut mieux que la mort dans des circonstances atroces. Par ailleurs, cette vie vaut aussi pour l'espoir que nous aurons tous, de nous retrouver pour reconstruire, de nouveau, cet édifice qui a fait notre fierté.

Le Don saisit la croix en or qui pend à sa chaîne, autour de son cou, et la montre à l'assistance

Voyez-vous, dans ma retraite, j'ai acquis la conviction que Dieu existe. Je suis sûr que, même si nous devons mourir dans notre course au devant des machines infernales des bolcheviques, les hommes de bonne volonté se retrouveront ailleurs... Et l'idéal représenté par New Napoli ne périra pas avec nous!

La bouche soudain sèche, Ghuseppe descend de sa caisse-estrade, donne une accolade profonde et sincère à chacun des habitants encore dans la place, se saisit d'un modeste baluchon, de son vieux Colt, et fait route vers les portes de la cité. Certains Napolitani peuvent voir, dans la lumière ocre de cette soirée de printenps, une larme rouler sur la joue désormais ridée du Don.

Les portes s'ouvrent une dernière fois, ces portes qui n'ont jamais cédé et qui se sont toujours ouvertes pour laisser entrer d'innombrables visiteurs, sur la personne qui les a bâties. Et Ghuseppe Machiaveli entame, d'un pas alerte, la descente de la Sierra Napoli.